mercredi 9 juillet 2008

Mea culpa

J'ai longtemps pensé que l'avortement (volontaire/ illégal) etait un choix de facilité. Pour moi, tomber enceinte sans le vouloir était le comble de la stupidité: On nous bassine chaque année, depuis nos 15 ans avec les moyens de contraception... "Quand on a les moyens de s'acheter son paquet de clopes, on peut se permettre une boite de Manix (ou une plaquette de pilule contraceptive)". Opinion bien proprette!



J'ai changé d'avis.



J'ai vu, en l'espace de deux mois, quatre de mes amies les plus proches tomber enceintes accidentellement. Quatre circonstances differentes, quatre réactions differentes, quatre "papas" paniqués (et un peu lâches pour certains), mais la même culpabilité.




"Cinq ans sans lui. Cinq ans se sont écoulés depuis.

J’ai arrêté de compter en 2002. J’ai arrêté d’avoir la notion du temps depuis six ans.

Pour moi, j’ai encore 22 ans. Pour moi, je ne suis jamais tombée enceinte. Non, pour moi, ma vie s’est arrêtée avec ma grossesse. Ma vie n’a plus rien eu de marquant depuis cette grossesse. Pourtant, j’ai rompu avec lui. Pourtant, j’ai refait l'amour. Pourtant, j’ai ri !

Depuis six ans, je suis entourée d’eau. Je ne nage même pas. Je ne coule pas non plus ! Je flotte ! Sans faire d’effort ! Le courant m’entraîne.

Il met dans ma route des individus que j’aurais pu apprécier. Des gens pas cons, pas bêtes, pas moches… Des gens intéressants quoi ! Mais depuis ma grossesse, rien ne peut être, j’allais dire comme avant… Attends, je cherche mes mots… Je reprends : Depuis ma grossesse, aucun événement ne peut avoir de relief. Tout est plat. Depuis ma grossesse, même la masturbation ne me garantit pas l’orgasme !

J’ai avorté. Il y a bientôt six ans.

J’ai avorté sans même métaboliser l’acte. J’ai avorté un jeudi matin.

J’ai su que j’étais enceinte, j’ai foncé tête baissée, je n’avais pas d’autre alternative. Il est venu avec moi, ce jeudi matin. J’étais toute de rouge vêtue ! Quand j’y pense ! Je trouve ça risible ! Rouge, couleur du sang, du sacrifice ! Tu parles d’un symbole !

Je l’ai fait, et je suis rentrée chez nous. J’ai pleuré toute la soirée, seule dans ce putain de lit ! Et deux jours après, on a refait l’amour. Encore plus souvent qu’avant. On faisait l’amour parce qu’on avait rien à nous dire ! On faisait l’amour pour pouvoir fermer les yeux et pas nous voir !

Il avait trois mois. Trois mois. Je vomissais, je somnolais… Elle faisait déjà sa loi, cette petite chose ! J’ai refoulé ma grossesse. J’étais convaincue d’avoir un retard, un retard de deux mois ! A aucun moment, je n’ai pensé que je pouvais être enceinte.

Pour moi, mon ex n’est plus mon ancien fiancé. Mon ex n’est plus le premier homme avec qui j’ai fait l’amour, le premier homme à qui j’ai dit je t’aime… Il n’est pas le premier, c’est le père de mon enfant. Quand je pense à lui, je ne pense pas à nos trois années ensemble, je pense à ces trois mois !

Que veux tu que j’espère du "volet" sentimental de ma vie ?! Que veux tu que j’espère ?

Je suis désabusée ! Rien de pire ne peut m’arriver ! Rien de plus marquant ne peut m’arriver, sauf peut être la mort ! Je n’ai pas pour autant des idées suicidaires… Je fais pas dans le Kurt Cobain ! Mais je n’attends plus rien de la vie.

Je ne regrette pas d’avoir avorté. C’est un choix que j’ai du prendre. C’est la vie !

Seulement, je ne méritais pas d’avoir à faire ce choix ! Je ne méritais pas de perdre ma joie de vivre !

J’ai perdu six ans à refouler ma colère. J’ai passé six ans à colmater les brèches, à taire ma haine.
Je n’ai volé personne, je n’ai violé personne. Pourquoi faire de moi un monstre ? Pourquoi me condamner à l’anesthésie affective ? Pourquoi ai-je eu cette éducation culpabilisatrice ? Avorter est une punition ? Mais de quoi ?!

Depuis le curetage -parce que c’était un curetage- je n’ai pas de plan, je ne me projette pas. Je suis le mouvement ! Je m’engage dans des histoires sans lendemain.

J’ai longtemps joué à quitter le père de mon enfant. J’ai repris avec lui pour pouvoir parler. Pour pouvoir refaire vivre notre bébé. Je ne faisais que parler de lui, du prénom qu’il aurait du avoir, de sa chambre, de son lit, des histoires que j’allais lui lire…

Quand il refusait de participer à mon délire, je me montrais plus glauque, je lui demandais alors s’il avait une idée de là où il s’était décomposé, entouré d’appendices purulentes et de matières fécales… Il a du être mangé par un chat… Ou peut être par un rat… Je devais le faire réagir. On devait parler de lui.

Lui, voulait retrouver la fille qu’il avait aimé, il voulait "construire". Il voulait l’amour, les dessous sexy, les week-ends en amoureux, les dimanches chez les parents… Je trouvais ça indécent ! Comment pouvions-nous continuer à vivre comme avant ?! Comment pouvait-il vivre sans penser à notre bébé ?

J’ai fini par comprendre que je ne pouvais lui donner ce qu’il attendait de moi, que je n’étais plus l’insouciante gamine qu’il avait aimé au début ! Il ne comprenait pas non plus ma fixation sur ce petit. Il ne comprenait pas que je résume notre histoire à "ce fœtus qu’ [il] détestait de [m]’avoir changée autant".


J’ai l’impression d’avoir déjà tout vécu. L’histoire d’amour, la vie de couple, le souab avec la belle famille, la grossesse, les nausées, les hypersomnies… Tout ! Qu’est ce que je peux vivre de plus ? Une autre histoire d’amour ? Une autre vie de couple ? Un autre bébé ?! Non. Ca serait oublier mon passé. "